lundi 16 décembre 2013

Les cent derniers jours, Patrick McGuinness



La Roumanie de Ceaucescu est loin d'être une destination des plus excitantes. Tu t'embarques pourtant pour Les cent derniers jours, de Patrick McGuinness. A vrai dire, tu ne sais pas vraiment ce que tu y cherches. Mais te voilà entré et tu es déjà captivé.

L'ennui et le rationnement te souhaitent la bienvenue. Tu peux à présent goûter aux joies de vivre sous un régime totalitaire. La règle est très simple : tout le monde épie tout le monde. Cela n'empêche pourtant personne de s'essayer à l'art de la dissimulation.

Tu découvres peu à peu les rouages de ce monde fait de faux semblants, où règne un léger parfum d'absurde. Pour te guider dans ce jeu de dupes, tu peux faire confiance à Léo, le petit prince du marché noir, et à toutes les personnes qui vont croiser ton chemin. 

Tu connais déjà la fin de l'histoire. Tu vis pourtant ces trois mois avec une certaine intensité. Tu n'es pas un simple visiteur, ton coeur s'est emballé. Et tu quittes finalement ce monde à regret.  

Les cent derniers jours, de Patrick McGuinness, est publié chez Grasset.

lundi 9 décembre 2013

Palladium, Boris Razon



L'histoire de Boris Razon ne t'a pas échappé. Elle est sidérante. Avec Palladium, il t'invite à y voir de plus près. Tu risques d'être quelque peu décontenancé, mais tu te sens d'attaque et tu veux avoir confiance en ses talents de guide. Tu ne t'y perdras pas.

Le compte à rebours est lancé. Son débit prend le rythme des  symptômes qui s'accumulent et finissent par imposer le doute. Puis la souffrance, insupportable, foudroie notre homme. Le corps devient tombeau et l'esprit se retourne, prêt à basculer dans un drôle de pays des merveilles.

C'est parti pour un voyage étrange et délirant. Tu le vois qui dérive à l'infini dans un monde où rien n'a de sens et pourtant tout s'enchaîne religieusement. Durant cette aventure infernale, il y croise des êtres fantasmagoriques, il côtoie la Mort. Elle l'appelle, mais c'est la vie qui le tient.

Telle qu'elle est vécue, telle qu'elle t'es racontée, tu te crois dans une épopée initiatique d'un genre inédit, entre Dante, Kafka et autres surréalistes. Et l'expérience est troublante, terrifiante. 

Palladium, de Boris Razon, est publié chez Stock.

mardi 26 novembre 2013

Comme les amours, Javier Marías




Tu ne sais à quoi t'attendre quand tu te lances dans Comme les amours, de Javier Maas. Tu lui trouves quelque chose d'intriguant, un charme quasi hypnotique. Alors tu es comme pris au piège. Soit. A présent, rien ne t'y délogera.

Tu rencontres María Dolz dans un café où, chaque matin, elle avait plaisir à observer un homme et une femme assis non loin d'elle, image apaisante d'un couple parfait. Mais voilà, l'homme s'est fait sauvagement poignardé et le rituel n'est plus. La femme pourtant ne disparaît pas tout à fait, et quand elle la retrouve, María sort enfin de sa réserve.

Puis c'est au tour de Javier Díaz-Varela de faire son entrée. Toute l'attention de María se porte alors sur ce beau parleur qui gravite autour de la veuve. Si elle lui imagine mille intentions ne lui laissant que peu de place, elle ne refuse pas de succomber à son charme. Mais son intuition est juste. Et rien finalement ne la détourne de ce drame dont elle découvre malgré elle la coulisse.


Entre la tension et le doute, entre l'espoir et la jalousie, face à l'amour et à la morttu entends bien ce coeur humain qui se débat avec une virtuosité déconcertante. Et pour mieux te guider, le colonel Chabert ou encore Milady de Winter, personnages à jamais tes contemporains. 

Comme les amours, de Javier Marías, est publié chez Gallimard.

lundi 18 novembre 2013

Harold, Einzlkind




Il semblerait qu'à défaut de corde, Harold te tende les bras. Car à l'évidence, le roman du dénommé (et imprononçable) Einzlkind s'avère être aussi saugrenu que caustique. Tu n'as pas l'air de t'y tromper. Et, finalement, tu n'y résistes pas.

Harold et du genre empoté et sa vie se résume aux tentatives de tentatives de suicide qu'il pratique dans le hall de son immeuble. Aussi a-t-il une piètre opinion de lui-même et de l'humanité qu'il considère - non, autant dire qu'il ne la considère pas, tout simplement. 

Harold vient de se faire virer. Une drôle d'aubaine qu'il voit vite anéantie quand on lui confie la garde de Melvin, 11 ans, de père inconnu, le cerveau en ébullition et une langue toujours pendue qu'il use sans ménagement. Aux yeux du garnement, la situation est alors idéale pour partir à la recherche de son géniteur.

Et te voilà à affronter les routes de Grande Bretagne. Mais tu te plais en leur compagnie, tu ne les quitterais pour rien au monde. Puis chaque jour a son lot de rencontres et d'observations. Des certitudes s'envolent, rien ne va plus. Place a l'aventure et à l'émotion. Tu n'y vois rien de plus réjouissant.

Harold, d'Einzlkind, est publié chez Actes sud.

mardi 12 novembre 2013

Une vie pornographique, Mathieu Lindon



Des romans au titre un rien provocateur, tout au moins racoleur, tu trouves toujours le moyen d'y fourrer ton nez. C'est comme ça que tu viens à ouvrir Une vie pornographique, de Mathieu Lindon (où il s'avère qu'il est davantage question d'héroïne que de sexe). Et tu tombes dedans.

Perrin forme avec l'héroïne un couple passionnel. Il l'a dans le sang, il l'a dans la peau. Il est un partenaire idéal. Elle, la meilleure des maitresses. Elle lui procure une vie digne de ce nom, avec un semblant de contrôle et de liberté. Mais surtout, elle vaut toutes les jouissances.

Malgré cette certaine sérénité, arrive l'absence de désir, le temps de la séparation. Sauf qu'on ne se débarrasse pas de l'héroïne comme ça. Elle résiste, elle n'en démordra pas. Addiction comme une autre, elle sait s'incarner autrement. A Perrin alors d'y trouver un manque à gagner. 

Un mal pour un bien ? Pas sûr. Mais Perrin a sa logique. Tu peux la comprendre, mais en aucun cas tu ne cherches à lui faire la morale. Tu préfères garder tes distances. Tu es lucide. Et tout cela prête parfois à sourire. 

Une vie pornographique, de Mathieu Lindon, est publié chez POL.

lundi 4 novembre 2013

Une matière inflammable, Marc Weitzmann




Tu ouvres Une matière inflammable de Marc Weitzmann et tu tombes sur elle. Anne Sinclair. Tu te demandes ce qu'elle vient faire là. Dans un roman. Il y a un comme un léger malaise. Et inévitablement, tu sens se profiler l'affaire DSK. Cela ne te dit rien qui vaille. Mais tu as déjà accepté de te laisser embarquer.

Tu te retrouves rue des belles feuilles, à Paris. Un cadre des plus enviables où s'écrit d'une main de fer une mythologie familiale déterminante. Pour Frank, à la grande différence de son paternel, rien ne compte plus alors que de s'y inscrire. A tort ou à raison, tu vas le découvrir bien assez tôt.

Sur la voie de son ambition, la rencontre avec le couple Zimmermann opère une tournant décisif. Il lui ouvre les portes d'une certaine intelligentsia française, monde fascinant et non sans ambiguïtés. Et quand Patrick fait figure de mentor, Paula se révèle en âme soeur déroutante. D'une manière ou d'une autre, Frank va leur consacrer bien des talents. 

Tu sens que la comédie va s'essouffler, que les masques vont tomber. Mais quelle est-elle, cette vérité, avec son doux parfum de scandale? Elle arrive là, l'affaire DSK, venue donner un coup de pouce à ce drame et clore en beauté ce roman qui cache finalement bien son jeu. 


Une matière inflammable, de Marc Weitzmann, est publié chez Stock.



lundi 28 octobre 2013

Riviera, Mathilde Janin





C'est une sirène bien étrange qui t'invite à te plonger dans les pages de Riviera, premier roman de Mathilde Janin. Il avait pourtant de quoi t'effayer, avec son air à sentir l'underground. Mais tu en appelles à ta curiosité et à ton goût de la découverte pour te guider dans cette aventure en apparence bien déconcertante. Après tout que risques-tu, sinon d'être ravi ?

Tu commences par te perdre au milieu d'un carrefour d'horizons. Mais très vite, tu comprends que les points de fuite se relient. Paris, New York, Berlin… Tu oscilles alors dans le temps et ces espaces, entraîné au rythme d'un chant magnétique. 

Dans ce dédale de voix, expression d'une vérité flottante, tu te mets sur les traces de la stupéfiante Nadia, dont la beauté frappe et obsède, et de Philippe, son amant musicien. Leur relation est électrique. Mais de cette vie en démesure, tu les sens irrémédiablement dévier.

Peu à peu, tu construis le portrait de ces personnages éclatants. Le fait est que tu les suivras jusqu'au bout, tant tu es saisi par l'hallucinante poésie qui transpire de ce roman à l'atmosphère trouble, dense et sensuelle.

Riviera, de Mathilde Janin, est publié chez Actes sud.

lundi 21 octobre 2013

Petites scènes capitales, Sylvie Germain





Tu l'avais un peu perdue de vue, Sylvie Germain. Alors quand tu la retrouves aujourd'hui avec Petites scènes capitales, son nouveau roman, ton plaisir et ton attente sont immenses. Tu ne t'es pourtant pas empressé de le connaître. Peu importe les pourquoi, c'est maintenant que tu y vas.

En premier lieu, tu cherches avant tout la fille. Mais chez les Bérégance, tribu recomposée, celle qu'on appelle Lili a fini par se perdre dans le décor. C'est pourtant elle que tu vas suivre, témoin privilégié, elle qui va se déployer dans cet éventail d'instantanés où il est parfois difficile de trouver sa place.

Tu vois qu'elle avance à tâtons, Lili, quand chacun des membres de sa famille prend la tangente sur ce chemin où les drames sont incontournables. Ah que la vie peut être brutale. Et la disparition pèse autant qu'elle s'enveloppe de mystère. Mais Lili s'accroche. Parfois, elle se laisse porter. Et cela lui vaut quelques ravissements.

C'est étonnant ce qu'elle réussit là, cette façon de cerner la violence d'une troublante beauté. Et les tableaux défilent, fulgurants, sa grâce te subjugue et sa poésie t'enivre. Tu ne pouvais pas en espérer tant.

Petites scènes capitales, de Sylvie Germain, est publié chez Albin Michel.

lundi 7 octobre 2013

Le bleu des abeilles, Laura Alcoba



Un titre pareil, tout de suite ça attire. C'est un brin fantaisiste, ça transporte. Il n'y a pas à tourner autour. Ni une ni deux, tu te jettes dans Le bleu des abeilles de Laura Alcoba. 

Au départ, c'est encore l'Argentine. Celle où les visites à un père en prison ne se font qu'un jeudi sur deux. Mais d'autres repères attendent désormais la narratrice. Elle va avoir dix ans et s'apprête à rejoindre sa mère, réfugiée en France. C'est un projet qui l'enchante. Alors elle prend de l'avance et s'applique déjà à en découdre avec sa future langue.

Enfin c'est la France, Paris. Enfin presque. Et le Blanc-Mesnil n'a rien d'un carte postale. C'est pourtant là qu'il va falloir composer, s'immerger, entre petites humiliations et rencontres inattendues, drôles de scènes cruelles ou pleines de malice.

Tu aurais pu ne pas être touché par cette voix enfantine qui te trimballe tout au long de cette aventure. Mais par bonheur, tu es totalement charmé. Cet émerveillement, cette espièglerie et cette tendresse, tu kiffes, il n'y a rien de plus réjouissant.

Le bleu des abeilles, de Laura Alcoba, est publié chez Gallimard.

lundi 30 septembre 2013

Voir du pays, Delphine Coulin




Tu n'es pas du genre à te retourner spontanément sur les filles de Voir du pays. Deux soldates de retour d'Afghanistan, voilà qui manque sérieusement de sex-appeal. Fi, Delphine Coulin mérite qu'on s'attarde sur son roman. Parce qu'elle ose s'aventurer hors des sentiers battus. Parce que son regard est pénétrant et sa plume affûtée. Et parce qu'elle pose les bonnes questions.

C'est parti pour trois jours à Chypre. Ne t'y trompe pas, l'hôtel de rêve, dans le jargon militaire, c'est ce qui s'appelle un "sas de décompression": une étape jugée nécessaire pour se réhabiliter au quotidien. Des vacances pour service rendu, le lâcher prise, tu oublies. Ce serait trop cruel, elles n'y survivraient pas. 

Tu accompagnes donc Aurore et Marine dans cette dernière mission. Ensemble, elles en ont traversé des épreuves, sans compter que depuis le lycée, elles ne se sont plus quittées. L'une a suivi l'autre dans son engagement, a appris à ses côtés la peur, l'humiliation, la violence. Tout avait alors un sens. Là, tu perçois comme une tension entre elles, comme si elles ne se reconnaissaient plus. Comme si leur amitié aussi était en jeu. 

Toi non plus, tu ne peux baisser la garde. Même sans ennemi, la menace court toujours. Tu l'entends gronder de plus en plus fort. Elle te crispe, elle te rend fébrile. Tu t'accroches, car tu es déjà propulsé sur cette route qui va te mener jusqu'au bout de l'enfer. Oui, l'homme peut être un chien ou un loup. Mais c'est bien en monstre qu'il révèle sa véritable nature.

Voir du pays, de Delphine Coulin, est publié chez Grasset.


jeudi 26 septembre 2013

180 jours, Isabelle Sorente



Un titre comme un compte à rebours, un roman qui fait l'effet d'une bombe. C'est 180 jours, d'Isabelle Sorente. Ou comment un philosophe met les pieds dans le plat pour les besoins d'un séminaire sur la condition animale et se trouve pris au piège de son propre entendement.

Ombres. Son élevage industriel. Ses couloirs, la poussière qui tournoie sous les néons, ses parcs aveugles à perte de vue. Ca chante. Ca  schlingue. Ca grouille. Et maintenant Martin, au milieu de ces 15 000 porcs qui savent se mettre au garde-à-vous. Le spectacle est saisissant. Ils le dévorent des yeux. Et ça commence à coller à la peau.

Camélia. La rencontre est décisive. Il réveille Martin, l'arme de sa violence enfouie, lui que le silence rendait déjà un peu sauvage. Désormais il est prêt à tout voir, à comprendre et surtout, à aider son ami. Car cette acuité qu'il a développé, cette vie empêtrée corps et âme, Camélia n'en peut plus. Ca lui prend aux tripes, ça lui piétine le coeur. Il peut y laisser sa peau.

180 jours, c'est peu, c'est naître (n'être) pour mourir déjà. Pour certains, c'est un long et essentiel combat. De cette expérience anxiogène et oppressante, de ce livre dense et percutant, tu en sors juste époustouflé. Avec le bon sentiment que ton regard sur le monde s'est affûté.

180 jours, d'Isabelle Sorente, est publié chez JC Lattès.




lundi 23 septembre 2013

Arden, Frédéric Verger



Tu sais que les premières fois sont hasardeuses. Elles sont comme des trésors espérés et inattendus dont tu ignores encore s'ils sont faits d'or ou de pacotille. Quand tu le découvres, tu sens en Arden, le roman de Frederic Verger, un parfum d'audace et de fraîcheur. Tu plonges. Son étonnante virtuosité t'enchante. Tu te mets à le savourer. 

C'est une histoire de famille comme peu savent les raconter. Tout de suite, c'est un monde qui s'ouvre à toi, dans lequel tu déambules allègrement au gré  des lieux et des rencontres. Pour te guider, un hôte de choix : Alexandre de Rocoule, figure incontournable de l'hôtel Arden, séducteur incorrigible et auteur amateur d'opérettes.

Mais nous sommes en 1944 et la Marsovie frémit devant la menace fasciste.  Immanquablement, le domaine d'Arden devient un refuge. Mais pour quels rescapés ! Ils leur faut alors composer avec notre cher Alexandre et cela ne s'avèrera pas sans risque. C'est qu'il lui vient soudain l'idée folle de défier l'ombre et de jouer leur destin.

Tu reconnais qu'il faut un talent indéniable pour orchestrer cette étonnante aventure. Ne pas perdre le rythme, ne point trop s'éparpiller, relancer le mouvement jusqu'au point d'orgue final. Et tout se combine avec un humour irrésistible. Tu applaudis.

Arden, de Frédéric Verger, est publié chez Gallimard





vendredi 20 septembre 2013

Esprit d'hiver, Laure Kasischke



En ce matin de Noël 20-- qui ouvre Esprit d'hiver, de Laura Kasischke, ne t'attends pas à vivre des instants d'euphorie ou de quiétude. Bien au contraire, c'est le malaise qui s'annonce et insidieusement se diffuse. Il n'y a aucune raison de fuir. Car le talent de la romancière, tu en conviendras sûrement, est de t'installer de façon inconfortable dans cette histoire où tu ne peux te dérober. 

Donc, en ce jour de Noël 20--, un étrange pressentiment s'empare d'Holly. Il semble irrationnel, et pourtant il la poursuit sans relâche. C'est une peur latente, bien enfouie qui soudain s'éveille. Elle remonte à quelques années maintenant, quand le couple qu'elle forme avec Eric est parti adopter Tatiana en Russie. 

Aujourd'hui Tatiana a quinze ans et, seule face à sa mère, c'est l'incompréhensible affrontement. Tu sens pourtant que quelque chose cloche, mais tu es comme pris au piège par cette tension de plus en plus tenace.

Il te faudra attendre le dénouement final pour découvrir l'effroyable vérité et comprendre à quel tour de force littéraire tu as été convié.

Esprit d'hiver, de Laura Kasischke, est publié chez Bourgois.

mardi 17 septembre 2013

Le quatrième mur, Sorj Chalandon






Tu ne peux pas passer à côté du nouveau roman de Sorj Chalandon. Tu sais sa poésie et déjà tu entends sa fureur. Avec Le quatrième mur, pas de doute, il va t'emporter loin. Tu t'y engouffres. Tu n'imagines pas encore à quel point tu y es corps et âme.

Paris, terre d'accueil et de révolte. Georges y rencontre Samuel Akounis. Une flamme semblable les anime, leur amitié est fraternelle. Alors quand Sam tombe malade, Georges ne peut refuser l'héritage monstre de son ami : poursuivre son projet de mettre en scène Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth.

L'enjeu est noble, la tâche, elle, épineuse. Car les comédiens sont issus de communautés différentes. Aussi, pour ne pas se trahir, chacun y voit son Antigone et chacun essaie de s'oublier derrière le masque. Mais soudain, le ciel éclate et la guerre explose les murs de la tragédie. 

Tu voudrais crier, c'est un sanglot qui s'étrangle dans ta gorge. Tu es devenu Georges. Tu es face à un spectacle sublime et terrifiant qui t'enveloppe peu à peu. Tu entres dans la guerre et tu t'émeus, vide de tout artifice. Des images sont gravées, cela finit par t'envahir. Tu avances, sans retour ni reprise possibles. Comme tu jouerais ta vie.

Le quatrième mur, de Sorj Chalandon, est publié chez Grasset.

mercredi 11 septembre 2013

Pietra viva, Léonor de Recondo





Souviens-toi de Michelangelo. Tu as dû le rencontrer il y a quelques temps de cela, il partait alors pour Constantinople, délaissant le tombeau d'un pape pour une chimère ottomane*. Tu le retrouves aujourd'hui dans Pietra viva, de Léonor de Récondo, pour une aventure qui va se révéler tout aussi puissante et envoûtante.

C'est un temps où la renommée du sculpteur n'est plus à faire. Il taille dans le marbre comme dans la chair et son génie lui a attiré les faveurs du pape Jules II. Mais la mort d'Andrea, jeune moine dont il affectionnait l'extraordinaire beauté, vient mettre en péril sa quiétude romaine.

Carrare devient son refuge, et déjà, dans les carrières, ses doigts frétillent pour libérer les corps de leur prison de pierre. Rien ne pourrait le distraire de son ambition. C'était sans compter sur le petit Michele qui, bien décidé à apprivoiser le maître, va le mettre à l'épreuve des souvenirs.

Tu sens comment au fil des jours son regard change, comment peu à peu son coeur résonne. Et tu aimerais l'accompagner encore quand vient le temps des adieux et qu'il faut laisser derrière soi cette éblouissante cité.

Pietra Viva, De Léonor de Récondo, est publié chez Sabine Wespieser. 



*Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, de Mathias Enard, Actes sud.

lundi 9 septembre 2013

Daffodil Silver, Isabelle Monnin



Aujourd'hui, par l'entremise d'Isabelle Monnin, tu as rendez-vous avec Daffodil Silver. Ce nom à lui seul est déjà un roman. Tu ne le devines que trop bien, et il te tarde de faire plus ample connaissance. Installe-toi confortablement et surtout, oublie le temps. Car rien à présent ne pourra te détourner de l'histoire qu'elle va te raconter.

L'histoire de Daffodil Silver n'est pas à proprement parler son histoire. Elle porte l'ombre indélébile de sa tante Rosa, jeune fille solaire privée trop tôt de son éclat. Une mort pour une vie croirait-on, avant que Lilas n'ait le projet fou de retrouver la vie de sa soeur dans ses moindres secondes et lui construire le plus étonnant des destins.

C'est donc en compagnie de ce fantôme inépuisable que Daffodil grandit. Autour d'elle, on s'emploie à ne pas perdre le fil de cette incroyable entreprise. Mais faute de la capturer dans les seuls souvenirs, Rosa reste insaisissable. Tu crains alors qu'elle ne finisse par leur échapper.

Pendant les cinq jours que dure son récit, tu restes suspendu aux lèvres de Daffodil Silver, attentif à ce flot délicat en charge de te révéler les deuils incommensurables de cette maudite famille. Pourtant, tu ne lui prêtes pas la moindre amertume. Se délivrer de son héritage, là est son seul souci. Et ainsi pouvoir inventer sa vie.

Daffodil Silver, d'Isabelle Monnin, est publié chez JC Lattès.

mercredi 4 septembre 2013

Avoir un corps, Brigitte Giraud



Avoir un corps, sous la plume de Brigitte Giraud, c'est doux. C'est un monde que tu ne connais peut-être pas ou que tu as oublié. L'occasion de le (re)découvrir, elle te l'offre. Saisis-la.

Tu lis. Avoir un corps, c'est évident. Il est là, il est à nous, il nous possède. Impossible de l'oublier. On le met à l'épreuve, on s'acharne à le maîtriser. Mais parfois le corps trahit. Devenu notre ennemi, c'est une victoire qu'on accepte de lui accorder. Mais parfois le corps frissonne. C'est vivifiant, une autre forme d'abandon.

Tu comprends. Avoir un corps mais un corps de fille, c'est différent. C'est formaté. Tu conquiers bon gré mal gré ta féminité, tu deviens une femme. Tu rencontres le garçon. Ah qu'il est émouvant. Tu es amoureuse. Es-tu prête? Tu franchis les étapes que la vie te soumet, tu continues d'avancer.

Tu en as les larmes aux yeux. Avoir un corps de Brigitte Giraud, c'est tout simplement beau.

Avoir un corps, de Brigitte Giraud, est publié chez Stock.




lundi 2 septembre 2013

Kinderzimmer, Valentine Goby



Cette année encore, tu n'y échappes pas. La Seconde Guerre Mondiale est comme un héritage perpétuel qui donne à sa cruelle réalité une matière romanesque inépuisable. Parfois c'est vivifiant, parfois ça t'étouffe. Mais devant Kinderzimmer, de Valentine Goby, il y a une évidence que tu ne cherche pas à refuser. 

Tu es en avril 44. Tu es propulsé à Ravensbrück, un camp pour femmes où sévit une autre guerre. Leur guerre à elles. Contre la faim. Contre le froid. Contre la maladie. Contre la sélection. On s'organise comme on peut. On se vole autant qu'on s'entraide. Surtout, on ne se laisse pas abattre. Mais les corps sont parfois lâches, rien ne peut les faire taire. Ils réclament, se révoltent et se détraquent. C'est pour mieux pourrir.

Mila sait qu'elle n'en sortira pas vivante. Une telle horreur, on ne permettrait pas qu'elle s'ébruite. Pourtant la vie a ses raisons et son corps s'acharne à tenir. Puis il y a l'enfant, qui pousse dans son ventre aux contours encore flous. Elle a jugé bon de le cacher tant il semblait irréel. Quand il naît, quand la vie prend soudain le dessus, c'est une lueur d'espoir, une enjeu bien fragile qui lui dicte de ne pas abandonner.

Ce livre, il te prend aux tripes. Tu es subjugué par cette peinture des corps qui ne t'épargne rien. Et cette force dans l'écriture ! Ca te bouleverse. Tu n'en reviens pas.

Kinderzimmer, de Valentine Goby, est publié chez Actes sud.

jeudi 29 août 2013

Faber, le destructeur, Tristan Garcia



A première vue, le nouveau roman de Tristan Garcia impose un monument, une promesse. Déjà de toutes parts, il jouit d'une attention particulière. Toi qui en as lu d'autres, tu préfères en avoir le coeur net. Dépourvu de tout jugement hâtif, tu t'attaques à Faber, le destructeur.

La légende de Faber prend vie à Mornay. Dès son plus jeune âge, sa présence est telle qu'il fascine autant qu'il dérange. Il est un génie qui a le diable au corps. Aux yeux de Basile et Madeleine, c'est l'esprit de révolte qui s'incarne enfin. Il est flamboyant. Il va les sauver de leurs humiliations et de cette vie rongée par l'ennui. Il devient leur héros. A partir de cet instant, il ne doit plus leur échapper. 

Quand tu le retrouves bien des années plus tard (c'est la première fois que tu le vois), il n'est nulle part, il n'est rien. Le train pour la vie d'adulte, il l'a clairement manqué. Cette déchéance, Basile et Madeleine ne s'en satisfont pas. Ils doivent à Faber une autre fin. Il ne leur reste alors qu'à écrire son retour.

Face à un tel énergumène, forcément, tu t'interroges. Mais qui est-il, sinon la concentrations de nos illusions perdues, un exutoire de nos vies rêvées et de nos vengeances interdites ?

Faber, le destructeur, est publié chez Gallimard


lundi 26 août 2013

L'invention de nos vies, Karine Tuil



L'effet est immédiat. A peine tu entres dans le roman de Karine Tuil, L'invention de nos vies, que tu es pris dans un tourbillon, tu ne peux plus le lâcher. A savoir si tu le veux, il est bien trop tard pour t'en soucier.

Sam Tahar occupe désormais toute la place. Magnétique et mystérieux, il attire, on l'envie. Il incarne un rêve américain en puissance, un conte de fées. C'est trop beau pour être vrai. Mieux (pire) que ça. Sa vie est déjà un roman, il y a bien longtemps qu'il a commencé. 

Il te faut remonter au temps où Sam se faisait encore appeler Samir. Prisonnier de cette identité qui, c'est certain, le discrimine, il crée la confusion. On le prend pour un juif, c'est fâcheux, mais c'est une opportunité qu'il doit saisir. 

Bien sûr, il n'oublie pas Samuel, dont il devient le substitut éclatant, lui le juif anonyme, l'écrivain incompris. Et Nina, une sensualité à ne savoir qu'en faire, peut-être là son seul regret. Vingt ans qu'il est sans nouvelles, cela ne pouvait pas durer.

A partir de là, tout s'enclenche. Dans cette course contre la vérité (tu ne sais pas à quel point tout cela va l'éclabousser), la tension est palpable, la menace de plus en plus pesante. La trahison, elle, a tous les visages. C'est un drame qui se joue maintenant. A l'origine, une chasse au bonheur, pourtant.

L'invention de nos vies, de Karine Tuil, est publié chez Grasset.



jeudi 15 août 2013

La grâce des brigands, Véronique Ovaldé



Ce que tu sais de Véronique Ovaldé, son univers entre violence et merveilleux, ses personnages de femmes fortes et fantaisistes, cette allégresse dans la plume, tu t'attends, tu espères les retrouver - familiers mais inédits -  dans La grâce de brigands, son dernier roman. Américain, dit-on. 

Tu t'envoles donc pour la Californie. Travelling sur ses routes ensoleillées, Los Angeles, les villas de Santa Monica. On est là pour rêver. L'une d'elles t'ouvre ses portes, tu t'empresses d'y entrer. Plan resserré sur Maria Cristina Väätonen, écrivain. Le téléphone sonne. Il n'y a qu'elle pour décrocher.

C'est un coup de fil qui dérange, qui la renvoie vers un passé qui ne lui confère pas le beau rôle. Elle est la fille indigne, la mauvaise soeur. Alors tout défile, son enfance dans la contrée brumeuse de Lapérouse, son affranchissement, sa détermination à devenir écrivain, Claramunt, sa vie, son oeuvre. Une trajectoire d'étoile filante. 

De l'histoire de Maria Cristina, de celle qui est racontée ici, tu n'en perds pas une miette. Et le charme opère, toujours.

La grâce des brigands, de Véronique Ovaldé, est publié aux éditions de L'Olivier.






mercredi 19 juin 2013

Electrico W, d'Hervé Le Tellier


Peut-être as-tu manqué l'invitation à bord d'Electrico W d'Hervé le Tellier lors de sa sortie en 2011. Rassure-toi, c'est un retard qui fort heureusement se rattrape, et sa parution au Livre de Poche est un rappel complice. Tu peux enfin répondre de ton léger égarement et te laisser embarquer dans ce troublant voyage.  

Direction Lisbonne. Nous sommes en 1985 et Antonio (le photographe) y retrouve Vincent (le narrateur) pour couvrir le procès d'un tueur en série. Mais très vite la ville, qui recèle de jeunes femmes flamboyantes auxquelles il est bien difficile de résister, diffuse son envoutement. Les intentions se dispersent, des passions s'agitent et s'éveillent, et chacun succombe aux intrigues sentimentales.

Le séjour t'enchante. Tu te plais à suivre ces deux hommes au gré de leurs rencontres et de leurs souvenirs. Ce sont alors neuf journées dictées par neuf vies, neuf étapes qui semblent soudain nécessaires pour mener tant bien que mal ce jeu de l'amour et du hasard. A dire vrai, pour découvrir une grande, triste et belle histoire d'amour. 







dimanche 9 juin 2013

Ma grand-mère russe et son aspirateur américain, de Meir Shalev


Sur la couverture de Ma grand-mère russe et son aspirateur américain, de Meir Shalev, comme sur le pas d'une porte, une femme t'attend. Sans même te soucier des présentations d'usage, tu sens tout de suite que tu viens de te fourrer dans une drôle d'histoire.

Sois donc le bienvenu chez Tonia de Nahalal, la grand-mère maternelle de l'auteur, celle qui avait déclaré la guerre à la saleté et la poussière, celle qui un jour reçut d'Amérique un aspirateur. Et te voilà embarqué - c'est absurde mais ô combien jouissif - dans les aventures de ce sweeper, arrivé là pour faire le ménage au moshav. Une ambition mise à rude épreuve par la principale concernée elle-même, alors qu'elle faisait figure de partenaire idéale. Mais c'était sans compter sur sa logique implacable...

(Tu vas ainsi découvrir le paradoxe de l'aspirateur. N'oublie pas une des lois fondamentales qui régissent notre monde : rien ne se perd, rien de se crée, tu es né poussière et tu redeviendras poussière.) 

Je ne t'en dirai pas plus. Je ne tiens surtout pas à te gâcher quelques éclats de rire. Sache cependant que si l'appareil reste le fil conducteur de ce récit, il n'en est pas moins un fabuleux prétexte pour raconter avec humour et tendresse la vie de la ferme familiale.

Oui, un aspirateur ne t'aura jamais donné autant de plaisir... de lecture, c'est entendu.  

lundi 3 juin 2013

Les nuits mouvementées de l'escargot sauvage, d'Elisabeth Bailey


Tu dois à ta curiosité qui, qu'on se le dise, n'a rien d'un vilain défaut, de t'être penché sur ce roman au titre intriguant mais néanmoins poétique, Les nuits mouvementées de l'escargot sauvage, d'Elisabeth Bailey. Tu ne le sais peut-être pas encore, mais tu tiens dans tes mains une étonnante et bien belle surprise. 

Attention, il ne faut pas pousser trop loin dans la fantaisie, ce n'est pas non plus  l'histoire d'un escargot déchaîné qui va t'être racontée. Mais tu vas vite comprendre qu'il s'en passe des choses dans une vie de gastéropode, particulièrement quand elle se mesure à celle d'une narratrice gravement malade, condamnée à rester alitée et dont la principale occupation se tourne alors vers la contemplation. 

Ainsi débarqué dans un pot de fleurs, il réussit à s'imposer, à devenir un compagnon exclusif et salvateur. Car miraculeusement, il passionne, au point de réveiller cette chère Elisabeth qui compte bien, observations et recherches à l'appui, rendre à son petit compagnon ses lettres de noblesse. Et la voilà qui t'ouvre les portes d'un univers que tu n'osais imaginer : c'est que ce mollusque avec sa maison sur le dos est plus intéressant (et intelligent) qu'il n'y paraît. 

Ne t'en cache pas, tu es totalement charmé par cette drôle d'histoire de guérison. Tu tiens surtout à saluer la fraîcheur et l'esprit qui s'y dégagent. Sans eux, tu ne te plairais pas à conclure qu'un escargot peut te faire vivre une belle aventure et même sauver des vies.  

mardi 28 mai 2013

Dans ma chambre, de Guillaume Dustan


A l'occasion de la parution chez POL des oeuvres complètes de Guillaume Dustan*, tu te décides enfin à ouvrir les pages de son premier roman paru en 1996, Dans ma chambre

Tu t'apprêtes à vivre une expérience de mise à nu des plus absolues. Ces pages dégorgent de sexe, les baises s'enchainent à un rythme effréné et jamais ne se ressemblent. Tu te retrouves en apnée, jambes croisées et bien serrées, à suivre ces ébats qui tendent vers une banalité affolante. 

Tu dois comprendre que rien ne te sera épargné. Car avec Guillaume Dustan, tout y passe. C'est vain, trivial, midinette, scabreux, obscèneludique, décevant, excitant, révoltant, mortifère, émouvant. Et par dessus tout, tu as cette impression de mise en danger, comme s'il fallait aller toujours plus loin, sans jamais lâcher prise pour autant. Comme si c'était une question de survie.
Tu acceptes cette vérité qui te heurte parfois, mais qui ô combien te réveille

*Œuvres I, regroupant Dans ma chambre, Je sors ce soir, Plus fort que moi,  édition de Thomas Clerc.



lundi 20 mai 2013

Les Saintes du scandale, d'Erri de Luca



Tu n'es pas très au fait de ces affaires-là. Les Ecritures, ce qu'on en fait, pour toi, c'est comme avancer en terrain miné. Pourtant, tu perçois dans ce titre au doux parfum de provocationLes Saintes du scandale une invitation. Quant à Erri de Luca, tu as eu vent de son attachement au texte* et pour saluer son initiative, tu acceptes d'entendre ses mots.

C'est une histoire de femmes (ça, tu t'en doutes), d'exil et d'abandon. On raconte que Tamàr, Rahàv, Ruth, Bethsabée et Miriam-Marie, un jour, se mettent sur le chemin de Dieu. Pour cela, elles sont prêtes à mettre leur corps à contribution. Elles finiront par s'inscrire dans la plus passionnantes des lignées. 

Tu remarques avec étonnement que même rachetées par le fruit de leurs entrailles, ces femmes passent pour des Marie-couche-toi-là en puissance. Ma foi, on te fait croire bien des choses. Et l'hypocrisie ne s'arrête pas là, quand c'est tout le métier de femme qui est à revoir. 

Enfin, tu as gardé en mémoire une phrase que tu juges bon de partager ici : "L'histoire de la civilisation peut se réduire à l'histoire de l'asservissement de la beauté féminine." Un constat qui, jusqu'à présent, semble révélateur et sans appel...


*il a appris l'hébreu pour ainsi pouvoir lire les Ecritures dans le texte.

mardi 14 mai 2013

La clôture des merveilles, de Lorette Nobécourt


Tu ne sais pas trop quoi dire. Ni comment ni pourquoi tu sens que le livre est une invitation au voyage, et que tu te trouves disponible à vivre l'expérience Hildegarde de Bingen. Tu t'engages donc dans La clôture des merveilles, de Lorette Nobécourt, corps et âme. Il n'y a pas d'autre voie. 

Tu la rencontres à huit ans. Elle est offerte à Dieu. C'est comme répondre à un appel lancé plus tôt, il ne lui manquait alors que l'intelligence de pouvoir le comprendre. Plus tard, dans le silence et dans la joie, elle l'accueille de tout son coeur, de toute sa foi, de toute sa vie. 

Le texte te semble par moments prendre des chemins ombragés. Tu perds un peu tes repères, mais tu es poussé à poursuivre. Tu apprends vite qu'on ne résiste pas à l'aura d'Hildegarde de Bingen. 

Un feu l'anime et l'exalte, une lumière absolue. Ses intuitions l'élèvent et l'épanouissent : elle rayonne. Mais ce feu, c'est parfois trop pour son corps. Il lui faut l'extraire, elle va le diffuser par l'écriture.

Tu lui découvres un accès privilégié à la nature, et bien d'autres talents encore. Surtout, elle est directe, affranchie et - je te le concède - un brin illuminée. Tu es touché par ce portrait singulier qui est fait d'elle et tu commences à l'aimer, cette insoumise, celle qui n'eut qu'un seul mot d'ordre : promouvoir la vie. 



mercredi 8 mai 2013

Le garçon incassable, de Florence Seyvos



Au départ, tu ne comprends pas trop ce qu'il vient faire dans cette histoire, Le garçon incassable, de Florence Seyvos. D'ailleurs, tu dois avouer que tu sèches un peu. Buster Keaton, oui, l'acteur, Hollywood, tu penses savoir tout ça, mais tu n'arrives pas vraiment à le situer, et tu ne crois pas avoir vu un seul de ses films. Heureusement tu ne vas pas t'arrêter là. 

Tu avances sans repères. Tu te laisses porter par cette voix pudique qui te confronte maintenant à Henri. Henri est un drôle d'équilibriste, une allumette tordue qui suit clopin-clopant un fil de vie, d'émotions et de réactions qui ne tient qu'à lui. Henri est handicapé et cette rencontre t'anime, alors qu'elle aurait pu t'effrayer. Tu es conquis, tu t'accroches à lui. 

Tu oscilles désormais entre ces deux êtres fragiles et téméraires. Ce sont des hommes qui tombent, lancés par autant d'amour que de violence. Ce sont des corps solitaires, dont la principale défense est le rire. Tu comprends que ce sont eux, finalement, ces garçons incassables. Et pour toi, ils sont des héros magnifiques.

vendredi 3 mai 2013

Tu montreras ma tête au peuple, de François-Henri Désérable



Tu te dis qu'un nouveau talent, ça peut valoir la peine. Ou le coup, tu vas comprendre pourquoi. Car avec Tu montreras ma tête au peuple, François-Henri Désérable te plonge dans le Paris de la Révolution Française et de la Terreur, période les plus troubles de l'Histoire. Souviens-toi, c'est à y perdre la tête. 

Tu te mets à arpenter les couloirs de la Conciergerie. Tu y rencontres  Charlotte Corday, Marie-Antoinette, Danton et d'autres fameux, tous promis à une mort précipitée. Parfois tu entres dans leur intimité : chacun, à sa façon, se raconte  dans une dernière confession. Et surprise, au détour d'un chemin qui te mène à la Concorde, tu retrouves les Onze de Pierre Michon, et dans l'ordre s'il te plaît.

Tu le sais bien, ils n'y couperont pas. La Faucheuse, sous ses airs de guillotine, les attend pour signer la fin de cette mascarade.

C'est l'heure et tu es un peu ému. Eux sont prêts, tu les vois s'avancer la gorge déployée et la tête haute, leur dignité comme un dernier affront, avant d'abreuver les pages de la littérature.